Amérique Australe > La Puna
En attendant que les vols commerciaux pour Mars soient habilités, arpentez à moindres frais l'un des paysages les plus extraterrestres qui soient : la Puna, ou Altiplano, plateau d'altitude enchâssé à plus de 3.500 mètres au-dessus du niveau de la mer au cœur de la titanesque cordillère des Andes.
Cerné de volcans et de chaînons toisant à plus de 6000 mètres d'altitude, ce plateau ne reçoit que très rarement la visite des nuages, gros des pluies du Pacifique, qui s’épuisent sur les crêtes occidentales enneigées. L'environnement est donc aride, semi-désertique, parfois délétère, à l'instar des salares qui recouvrent les vastes cuvettes d'une chape de sel éblouissante, dont les reflets minéralisés tendent parfois vers le brun, le rose ou le violet. Pour compléter l'arc-en-ciel chromatique, les versants des montagnes resplendissent de coloris insolites : rouge ferreux, vert cuivré, jaune sulfureux, interrompus ça et là par les balafres obscures des colossales coulées de basaltes ou des tapis infinis d'andésites.
Seul le chapelet des lagunes saumâtres, où pataugent flamants, ouettes et foulques palmés, confère une once de vie végétale à cet enfer éthéré. Et pourtant, hier comme aujourd'hui, l'homme a fait son nid au sein des vallons hostiles. Les lagunes enfantent les rus qui enfantent les oasis. Là, comme recroquevillés sous le joug d'un temps immuable, gisent des masures d'adobe, des chapelles couvertes de chaume, des corrals de pierres branlantes : hameaux balayés par un vent sec qui subsistent jusque dans les recoins les plus isolés.
L'activité s'y réduit à d'infimes travaux agricoles : pastoralisme ou micro-culture ; les entreprises minières qui dévorent la cordillère emploient le gros de la gente masculine. Les us perdurent bon an mal an ; les hameaux les plus importants drainent les gens des alentours pour les fêtes patronales et mariales, ou pour honorer la Pachamama, antique déesse-mère des hautes terres dont les autels faits de tas de pierres truffés d'offrandes jalonnent les pistes et les cols.
A Laguna Blanca, une fois l'an, la communauté toute entière se consacre au chaku, la capture ancestrale des vigognes sauvages, pour tondre leur toison chatoyante, avant de les relâcher. La laine alors se vend à prix d'or, pour confectionner écharpes et ponchos. La fierté des Punenõs.