Extrême-Orient > La terre et l'eau
C'est ainsi que les Vietnamiens dénomment leur patrie (đất nước), reflet d'une géographie nationale effectivement tributaire des grands fleuves et du littoral, pourvoyeurs millénaires de la subsistance de toute une nation. La terre et l'eau – une conscience historique, cosmologique, non dénuée de défiance craintive envers l'élément liquide, ses caprices et ses pulsions. Plutôt que la fusion des éléments, une distinction prudente. Aux hommes la terre, que baigne l'eau comme un medium dangereux, dont les sources lointaines sont pareillement redoutées et vénérées à la fois. On abandonne volontiers la montagne aux minorités et aux esprits.
Pareillement, l'univers historique et religieux des peuples d'Asie du Sud-Est est façonné par l'étau grandiose des cordillères et des mers, dans un paysage géographique et mental jalonné de cimes protectrices et de cratères méphitiques, de sources enchantées, de marais maléfiques, de rivières sacrées.
A l'échelle régionale, force est de constater l'emprise implacable des reliefs, qu'il s'agisse des volcans de la Ceinture de Feu ou des contreforts interminables que l'Himalaya projette sur la péninsule indochinoise. De ces derniers dévale un réseau de grandes artères nourricières, berceaux des nations antiques : Irrawaddy, Salouen, Chao Phraya, Mékong, Fleuve Rouge, dont les deltas fertiles, poissonneux et grouillants abolissent la lisière entre deux mondes.