Extrême-Orient > Fêtes khmères – Kathina
Avant que le Vietnam ne conquière le delta du Mékong à partir du XVIIème siècle, la région faisait partie de l'empire angkorien et son peuplement était khmer depuis plus d'un millénaire. Une fois dessinée la frontière entre les deux États modernes, on prit l'habitude de qualifier de Krom (“ceux d'en-bas”) les Khmers passés sous domination vietnamienne. Malgré quelques velléités irrédentistes, et des périodes de répression de la part des autorités de Saigon puis de Hanoi, les Khmers Krom sont aujourd'hui pleinement intégrés à la société vietnamienne, tout en conservant des coutumes profondément distinctes.
L'aspect le plus ostensible de cette différence culturelle tient au bouddhisme Theravada dont les Khmers sont de pieux adeptes, à l'instar du Cambodge voisin – et à l'inverse des Việt, qui ressortissent au bouddhisme Mahayana de style chinois. L'emprise du bouddhisme sur la société khmère est très profonde : à l'échelle d'une vie ou d'une année, les rites se succèdent pour marquer les grandes étapes du cycle terrestre. Noviciat des adolescents, ordination ou mariage, célébration des fêtes du calendrier bouddhiste dont les principales sont Chaul Chhnam (nouvel an), Visakha Puja (ou Vesak, naissance de Gautama Shakyamuni), Dolta (fête des ancêtres), Ok Om Bok (célébration de la récolte) et Kathina.
Kathina, objet du présent carnet, est une fête qui marque la fin de la saison des pluies. Durant cette période (juin-octobre), les précipitations intenses compliquent la circulation des personnes, et c'est donc traditionnellement l'époque de la retraite monastique. Les moines, novices ou confirmés, demeurent dans l'enceinte du monastère (ou pagode ; chùa, en vietnamien ; wat en khmer) et s'y consacrent aux études et à la méditation. Aux beaux jours, lorsque débute la saison sèche, on procède aux nouvelles ordinations. A cette occasion, les villageois alentours concourent au monastère en grand apparat, avec de nombreuses offrandes et force musique (jouée par le phleng, l'orchestre traditionnel khmer) : c'est Kathina. Après plusieurs circumambulations autour de l'ubosoth (le temple principal, ou salle de prière et d'ordination), ponctuées des pitreries de figurants grimés comme les personnages du Ramayana, les fidèles offrent aux moines des pièces de tissu pour la confection de nouveaux kasaya (robes monastiques). La journée se clôture par un bal populaire et des lâchers de lanternes.